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Les vingt ans d’un revuiste

Philippe Démeron* 

couverture Citadelles 20

Il voulait refaire le monde

pour que chacun soit heureux.

Mais lui-même ne tenait qu’à un fil,

car c’était un soldat en papier

Boulat Okoudjava

Si, comme le dit le poète Pedro Sin Cerebro « le présent est toujours le résultat d’une longue, longue attente », c’est aujourd’hui à l’aune des Citadelles une attente de vingt ans, puisque le premier numéro date de 1996 et qu’il ne paraît qu’un numéro par an !

Notre revue de papier, cette anthologie, est ouverte à la diversité des voix poétiques, pas seulement celle de chaque auteur mais aussi celle du style et du choix du mode d’expression. Un éclectisme, venu d’abord « naturellement », au rythme des textes reçus, et par la suite recherché consciemment. La revue ambitionne plus que jamais d’être le reflet de ces différentes voix et recherches d’écriture d’aujourd’hui ainsi que, dans la mesure du possible – car le champ est évidemment immense et on ne peut que « butiner large » – l’écho de différentes langues.

La diversité linguistique comme source de richesse est en effet pour nous une valeur, dans un monde à la fois curieusement cloisonné malgré les nouveaux moyens de communication, qui sont aussi une source d’uniformisation. Certes, toutes les langues n’ont pas les mêmes référents, le même arrière-plan culturel, la même notoriété etc. mais toutes sont passionnantes à découvrir et c’est respirer plus largement que de passer de l’une à l’autre.

Raisons pour lesquelles la revue comporte de nombreuses traductions, souvent juxtaposées au texte original. Solution qui autorise non seulement la comparaison de la langue écrite mais aussi celle des flux sonores. Mais surtout, à mon sens, la présentation bilingue ne juxtapose pas, elle a pour effet de construire un nouvel objet littéraire, un tout indissociable, la traduction dût-elle alors sembler être en position subordonnée.

La modestie convient au revuiste ; il ne prétend en effet qu’élaborer et  proposer une promenade possible dans la réunion de diverses écritures poétiques mélangées, et l’on sait bien qu’une revue de poésie, étant faite de poésie, « ça dit, littéralement et dans tous les sens ! ».

La revue publie principalement des contemporains mais ne craint pas de faire une place aux auteurs du passé : Marceline Desbordes-Valmore, Samain, de Régnier ou Antoinette Deshoulières ont leur place dans Les Citadelles. La période, le style ou l’école ne sont pas primordiaux. Le plus important, ce qui conditionne la qualité du poème, c’est pour moi la cohérence du texte par rapport au projet d’écriture. Le lecteur contemporain est rompu à identifier le parti pris d’écriture dès les premières lignes, les premiers mots, ou même l’aspect général ou la disposition du texte écrit.

Dans cette promenade sur ce qu’il est convenu de considérer comme des lisières, des marges/marches, il faut mentionner cette frange qui s’appelle la poésie en prose. C’est pourquoi, sans accorder toutefois trop de portée à la distinction vers/prose, il est proposé dans ce numéro une rubrique « récits » faite de textes en général non narratifs et de longueur inhabituelle.

Comme l’image du tableau ou du film, la poésie a ce pouvoir de  faire cohabiter des perspectives différentes dans l’unique espace du poème. Une phrase crée son propre espace, qui existe par référence à celui qu’une autre phrase a créé, comme un volume suggéré, en regard d’étendues à deux dimensions, s’affirme avec plus de présence. C’est pourquoi il faut réfléchir aux rapports entre le texte et l’image.

Les montages texte / photogrammes de Mauricio Hernández, Rod Mengham ou Joël Grip, de même que les dvd de films proposés plusieurs fois avec la revue, ont montré la fertilité de ces rapprochements.

Le poète Peter Horn, réécrivant les Métamorphoses d’Ovide sur la terre sud-africaine, expose le processus par lequel le poème (comme toute création) s’engendre lui-même :

Au début les poètes n’existaient pas

mais le premier poème fabriqué engendra le second :

comme aucun poème n’a de sens par lui-même

le premier poème impliquait tous les autres

qui devaient encore être écrits

et tous les poèmes qui furent écrits se souviennent

[du premier.

Une revue de poésie, qui appelle de nouveaux textes, de nouvelles voix, bourgeonne elle aussi. Puisque chaque année revient l’envie de persévérer dans la parole poétique, nous espérons, au-delà de nos vingt ans, pouvoir continuer dans cette « longue, longue attente », mais aussi de vivre le présent avec « ce cadeau d’altérité » qu’est la poésie.

*Cet article est paru dans le n° 20 de la revue Les Citadelles, dont Philippe Démeron est le directeur.

(What’s that?) VERT

 Giuseppe A. Samonà

green-wallpaper-34[1]Je ne sais même pas depuis combien de temps je suis ici, I’m get used to it, je me suis habitué, et parfois non. (Derrière le premier village, j’en avais trouvé un autre, puis un autre, et un autre, un autre, un autre…) Je ne sais même pas depuis combien de temps je suis en train de going around, de flâner tranquillement, les autres aussi flânent tranquillement – et il n’y a rien de plus à dire – je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici, personne ne le sait, et le ciel est d’un azur laiteux, bouillant. Je flâne tranquillement.

Puis tout le monde se met à courir, je cours, I don’t know why, pourquoi ? Tout le monde court, et moi aussi, tous se précipitent dans leurs baraques, barricadent les portes, les fenêtres – comme quand la police – vous souvenez-vous ? – chargeait, mais maintenant il n’y a pas de police, pourtant tout le monde court, court, moi aussi je cours … pendant ce temps le ciel s’est obscurci, un nuage a soudainement englouti le soleil. Vert. Courir, courir à tout rompre, moi, comme tout le monde, mais non, il n’y a personne, je suis seul, les rues sont devenues désertes, le ciel est vert, vert clair sur ma tête, plus foncé, dense, au loin, et il s’approche, le ciel, vert. Il est en train de me tomber dessus. Cours, cours, cours. Vert.

Je cours, je cours, je cours, j’arrive à l’hôtel, le gardien, rond et placide, est en train de courir lui aussi : they’re coming, they’re coming. Vert. Les portes, les fenêtres, vite : Elles arrivent. Je m’enferme dans la chambre, dans le sac de couchage – une chaleur insupportable… J’étouffe, mais comment sortir de ma cage de tissu, ne serait-ce que la tête? Je pointe mon nez, enfin, je sors, c’est-à-dire, j’entre : dans une machine à pop corn qui me tire dessus des grains chatouilleurs, tièdes, de tous les côtés, et moi avec une grande rapidité je réplique, je tire à mon tour, je les frappe, ces petits riens chatouilleurs, avec mes mains, je les frappe sur mon visage mes yeux (que j’ai fermés) mon front mes joues mon menton mes oreilles fermées elles aussi (avec mes doigts rapides) mes yeux (fermés) ma bouche fermée, mes mains se déplacent très rapidement, really speedy, as Gonzales. Je suis un bunker que l’on essaye de pénétrer. Et me voilà de nouveau, la tête et les bras, et tutti quanti, dans le sac de couchage, bien que ce soit étouffant, pour respirer tout en étouffant, car dehors, à l’air, il y a ces grains qui essayent d’entrer par n’importe quel trou, et de tous les trous la bouche est le plus grand. Et puis hors du sac à nouveau – car à l’intérieur, tout en respirant, j’étouffe – hors du sac, avec le pop corn, le flux continu. Dehors dedans, dedans, dehors… Je ne sais combien de temps cela a duré…

Mais à un certain moment le flux, comme un robinet sur le point de se fermer, commence à diminuer, puis s’arrête. Alors, mu par une curiosité craintive, je me lève, je vais à la salle de bain, en face du miroir, j’allume la lumière (entretemps le soleil s’est couché…) et je vois, avec une stupeur horrifiée et béate (je ne sais l’expliquer, je puis seulement le dire: je suis fasciné, and more, bewitched) du sang, du sang qui coule, des filets, des ruisselets de sang qui coulent abondamment le long de mon visage, les yeux, la bouche, les joues, pour former même au sol de grosses gouttes, et ces petits corps minuscules, pas plus longs que l’ongle du petit doigt, dix, vingt, trente, affreusement écrasés sur ma peau qui saigne – you see ? si un seul de ces petits corps seulement m’effleurait, et même moins, sûrement je m’évanouirais, c’est tellement disgusting, dégoûtant, mais maintenant ils sont nombreux, plus que nombreux, ils sont une armée, tous ensemble, écrasés sur mon corps à moi, sur mon noble visage, comme une mer verte dans un océan rouge, et moi j’ai voyagé à travers cette horreur répugnante, je suis un héros grec qui vient soudainement de se réveiller trente siècles plus tard ici, en face de ce miroir, et je ne peux pas m’en détacher, de cette vision, mes mains deinàs, meurtrières, mes ennemis morts sur le champ de bataille (c’est mon visage ruisselant) : j’ai vaincu les petits monstres verts.

(C’est pourquoi j’en reparle aujourd’hui, et à bon escient, je crois – la question est légitime : les sauterelles, si elles sont nombreuses, si elles sont une armée, peuvent-elles être considérées comme des insectes ? Nostalgie effrayée de la guerre… Les amis qui comme moi aiment Tim Burton savent que ces lignes lui rendent hommage)

 

 

 

BLEU (La nuit où nous sommes morts de la peste)

Giuseppe A. Samonà

bleu[1]En robe de chambre, les cheveux en bataille, elle descend le chemin qui à travers le bois relie sa maison à la nôtre, elle agite un journal, elle hurle : le choléra ! Le choléra ! En effet, la première page dit qu’à Naples il y en a trois ou quatre cas, peut-être dix, et puis les moules, le vibrion, la panique. Mais si c’est comme ça à Naples, qu’est-ce que ce sera à Palerme ? (marmonne-t-elle, et le dernier mot enfle, résonne comme un gouffre terrifiant: Palieaimmo…) Palerme, tout le monde le sait, est une Naples plus petite et plus violente, d’une hystérie archaïque et pernicieuse, elle grouille de morveux pleins de poussière, ‘i picciriddazzi, il y a la rate qui pue le sang, il y a les oursins qu’on vend dans la rue – hier soir nous nous en sommes empiffrés, c’est notre oncle qui les avait apportés – et mille autres saletés de la mer, qu’on mange toujours et seulement crues (la rate qui pue, les picciriddazzi, les orgies d’oursins, pazzi, fous, vous êtes fous ! fous ! fous !…). L’épidémie est certaine. On a déjà bloqué les bateaux et les trains à destination et en provenance – surtout en provenance – du continent, parce que, pendant que nous parlons, des dizaines, voire des centaines de morts s’amoncellent dans les rues de Naples : mais bien sûr ce ne peut pas être encore dans le journal, qu’elle continue d’agiter comme une preuve. Les autres adultes me semblent sceptiques : certains par fanfaronnade (le fameux oncle, arrivé de Palerme, annonce pompeusement qu’il retournera bientôt en ville, parce qu’il a une envie furieuse de mollusques vivants, ceux dans lesquels il faut enfoncer les dents pour les dompter, à Mondello, sur le quai), d’autres encore, sous l’effet d’une peur exorcisante … et de toute façon lavez-vous les mains, les enfants…  Et tous se moquent d’elle, plus ou moins gentiment : le journal invite au calme, et elle, depuis toujours, a la réputation d’être une exaltée – Cassandre, Cassandre... Tous, mais pas nous, les enfants : nous courons nous laver les mains, et nous voici de nouveau dehors, à l’ombre du mûrier, blottis à ses pieds, et elle, les cheveux toujours en bataille, la robe de chambre à moitié ouverte, qui amoncelle les morts et les désastres dans les rues de Naples, et même de Palerme, Palieaimmo, scènes d’horreur, fleuves de liquides et de merde, hordes de rats, de ces fameux rats de Palerme, ri Palieaimmo – désormais le choléra est devenu la Peste…, voraces et répugnants, charrettes pleines de cadavres, parfois encore vivants (!), ou agonisants, ou entassés là par mégarde, avec leurs cloches qui sonnaillent, tirées par des hommes baveux, plus baveux qu’humains, démons ricanants que la maladie a épargnés, l’apocalypse…   Hypnose de la terreur, la nôtre – ou même : attraction magique… Car nous, les enfants, nous sommes la tribu, les fourmis, mais qui volent en essaim, rapides comme la nuit, et il est trop puissant, ce sentiment à l’intérieur de nous, et nous ne pouvons pas non plus faire comme s’il ne l’était pas, même si bien sûr nous le dissimulons, de peur qu’on ne nous prenne pour fous, qu’on nous sépare, et nous montrons à dessein des visages effrayés, muets ; seulement, de temps en temps, au moment opportun, lorsque le récit semble sur le point de s’assoupir, rassasié, une simple question, un appât lancé tantôt par l’un, tantôt par l’autre : mais tu es sûre ?, pour rallumer le flux, les vagues de douleur, de merde, de mort, tandis que le jaune de l’après-midi qui avance se dissout dans l’azur du ciel, dans le vert, le rose, le rouge du lointain horizon marin, et tous ces tons se mêlent à l’ultime lumière du soleil, à l’apparition des premières étoiles, pour donner une couleur encore jamais vue : bleu – et une tiède et douce caresse nous enveloppe. Nous sommes comblés[1].

C’est donc cela, le bonheur ? Des enfants qui crient maman, maman, tandis que la charrette s’éloigne ? et ces morts ? et les adultes ? et la désolation de chacun ? le désespoir ? Non, non, ce n’est pas cela, c’est sûr – et pourtant (comment l’expliquer ?) la conscience tranquille, nous ne ressentons en nous aucune indignation, aucune culpabilité, mais au dehors, sur le toit, nous entendons les loirs aller et venir. Il fait sombre à présent, les étoiles le ciel la mer lointaine se sont engloutis les uns les autres, il n’y a plus de mer, plus de ciel, plus d’étoiles, mais (comment est-ce possible ?) il reste ce bleu, il n’y a que lui, il est le tout, il est comme une sonorité continue, visible, une sphère impénétrable, enveloppante, avec nous dedans : c’est bleu. Nous nous sommes réfugiés au grenier pour mieux l’observer, allongés, par la grande fenêtre oblique, la tribu est au complet et nos pensées elles aussi vont et viennent, comme à l’unisson, et nous avons du mal à nous endormir : oui, nous sommes heureux. Dehors, les loirs vont et viennent, nous les entendons, et nous entendons aussi nos pensées, boumboumboum… comme si tous ensemble nous étions une seule grande tête, à tracer le dessein des événements extraordinaires qui transformeront, comme en un songe, la routine de la vie : quitter la Sicile ensoleillée où nous vivons tous ensemble, communauté d’enfants et d’adultes qui seulement et toujours jouent entre eux, pour se séparer de nouveau, l’école, le travail, ne plus être ensemble, grandir (c’est cela, la vie). Voilà, tout cela sera, tout cela est désormais impossible … Nous sommes assiégés – et la grand’place, le Château, avec ses sentiers dont les ramifications couvrent les autres terres que nous possédons (ici c’est seulement entre nous que nous courons par les sentiers, et l’espace semble infini) deviennent dans notre imagination une terre inexpugnable, où c’est toujours l’été, et qui ne connaît ni la maladie, ni la mort, ni le temps qui passe. Et nous pensons (toujours), et nos mains se serrent pour former une chaîne humaine, et ces pensées sont des mots qui n’ont pas besoin d’être dits, s’ils nous attaquaient (la maladie, la mort, le temps qui passe), nous combattrions : n’est-ce pas ce qu’avaient fait Ajax, Achille, les Amazones, dont les aventures qui nous sont si chères s’entrecroisent depuis toujours avec les nôtres ? (c’est le dompteur de chevaux qui nous conduit, cela va sans dire – mais on ne peut pas prononcer son nom : nous sommes Troyens…) Nous vivrions, en ce cas, mais en héros, nous combattrions ensemble, le danger de la nature nous unirait, entre prouesses et plaisanteries nous vivrions – nous vivrions, oui, en héros, parmi les dieux et les déesses, et en héros nous mourrions : et nous sommes là, entourant celui qui meurt pour le frictionner… son corps devient bleu, la couleur s’estompe, et tandis qu’elle s’estompe celui qui porte secours devient bleu lui aussi, c’est une vague bleue qui doucement se propage, et il se confond avec les autres, qui flottent comme autant d’icebergs sur notre mer, et le ciel, et les étoiles : bleu. Isolés, assiégés, nous combattons… la maladie… notre lieu, ce lieu magnifique… mais nous sommes tombés, la maladie, l’amour est plus fort, ou peut-être pas, bleu, oui, nous mourrons finalement, nous mourons, nous sommes en train de mourir, nos mains unies forment toujours une chaîne comme en un éternel tableau… Et finalement – mais comment ? quand ? – l’essaim s’abandonne, nous nous endormons, bercés par le bruit des loirs, les pensées se raréfient, elles sont devenues un rêve unique, tiède caresse qui nous enveloppe. Nous sommes bleus.

Tout cela, c’était il y a bien des années – oui, heureusement pour finir l’épidémie ne fut pas grand-chose, elle n’a même jamais vraiment commencé, nous sommes revenus sur le continent quelques jours plus tard, l’été a pris fin, le temps a recommencé à s’écouler normalement, et les couleurs sont redevenues normales, bienveillantes. La tribu s’est dissoute, dispersée dans le monde et dans la vie, beaucoup sont morts même si ce ne fut pas de la peste, et de toute façon personne n’est plus retourné au Château. Mais (n’est-ce pas étrange ?) chaque fois qu’il m’est arrivé, au cours des ans, de rencontrer l’un ou l’autre de ces antiques héros, qu’il (ou elle…) soit sur le champ de bataille, commandant aux hommes et aux choses, ou qu’il (…) mène une vie retirée, cultivant son jardin, au lieu d’enquêter sur nos destinées respectives, nous nous sommes immédiatement et comme par enchantement retrouvés à évoquer cette nuit-là. Comme si elle était l’apogée du bonheur, d’un bonheur désormais inaccessible. Bleu.

[1]  En français dans le texte italien.

Voir aussi BLUCette version française de Sophie Jankélévitch vient de paraître dans Les Citadelles, revue / anthologie de poésie, 20, 2015 (Paris)

 

L’IDENTITÀ DI SHAKESPEARE, JOHN FLORIO E L’ITALIA.

 Lamberto Tassinari

Shakespeare: il genio universale, il monstrum, il grandissimo, l’infinito Shakespeare. Io credo di avere, anzi sono convinto di aver dimostrato che questo miracoloso fenomeno apparso nelle campagne inglesi nella seconda metà del Cinquecento non ha niente di miracoloso. Nella mia prospettiva da non confondersi con la storiella folkloristica del Crollalanza siciliano con cui la RAI e qualche editore hanno voluto divertire, distrarre il pubblico, Shakespeare resta lo stesso immenso autore ma non è più il meteorite caduto dai cieli, è un fenomeno che in tutto si spiega storicamente: la sua sapienza linguistica, la sua cultura vasta, enciclopedica, la sua profonda dimestichezza con le lingue, l’Italia, la bibbia, la musica, l’aristocrazia si comprendono, acquistano senso nella storia dell’Europa e credibilità esistenziale. Non si tratta di Edward de Vere, il conte di Oxford (quello del film Anonymous) morto nel 1604 e improbabilissimo Bardo, né del giovane Marlowe assassinato nel 1593, né del rigido filosofo Francis Bacon, si tratta di un “colletto blu” e in più di uno straniero, un traduttore-erudito- cortigiano vagamente ebreo che nessun universitario poteva permettersi di considerare come Shakespeare. Degli oltre 70 drammi legati al nome Shakespeare tra i canonici, quelli scritti in collaborazione, gli apocrifi e gli ur- plays, io credo che i più grandi, all’incirca quelli che furono raccolti nel First Folio del 1623 (la raccolta di 36 opere di teatro attribuite dai curatori a Shakespeare), siano stati scritti da Giovanni o John Florio, alcuni con il contributo del padre ex- francescano poi predicatore protestante, erudito umanista.

John Florio è il grande traduttore di Montaigne e di Boccaccio, il segretario personale per quasi sedici anni della regina Anne moglie di Giacomo primo, è il pedante spaccone “al di sotto” di ogni sospetto che possedeva una biblioteca di centinaia di libri. In questa straordinaria, “shakespeariana” biblioteca di cui parlo in dettaglio nel mio libro, c’è la lista di quello che Florio ha letto per il suo dizionario, tra l’altro: tutto Aretino, Machiavelli e tutto il teatro italiano del Cinquecento.

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John Florio

Tra la fine dell’Ottocento e i primi trent’anni del Novecento la quasi totalità degli studiosi anglosassoni che si sono occupati di Shakespeare hanno trattato ampiamente di John Florio, “the Italian scholar” che non poteva non essere intimo amico di Shakespeare. Chi altro avrebbe potuto dare al Bardo tutte quelle informazioni e nozioni dettagliate su libri non tradotti in inglese, sulla cultura e le scienze, sull’Italia, sulla lingua italiana, la francese e la spagnola se non Giovanni Florio? Nell’edizione della Encyclopedia Britannica del 1902, ad esempio, si legge questo:

Vi sono fondate ragioni per credere che Shakespeare fosse tra gli amici di Florio (…) Disponiamo di numerosi elementi che costituiscono la prova indiretta che Shakespeare aveva familiarità con i manuali di Florio [“First Fruits” e “Second Fruits”] (…) Questo [“First Fruits”] è il libro che sembra naturale che Shakespeare avrebbe utilizzato per imparare la lingua italiana al momento del suo arrivo a Londra. (…) Shakespeare avrebbe così avuto modo di fare la conoscenza di Florio agli inizi della sua carriera londinese e tutto lascia supporre che non abbia perso l’occasione di contare tra i suoi amici intimi un accademico di quel calibro e un così attivo, solerte e originale uomo di lettere come the resolute John Florio.

Nel 1902 questo si pensava ufficialmente in Inghilterra di John Florio e del suo necessario rapporto con Shakespeare. Florio era unanimemente considerato una figura fondamentale per la comprensione del “fenomeno Shakespeare”.

 

william-shakespeare

L’attenzione su di lui giunge al massimo prima, nel 1921, con la pubblicazione (solo in francese però) della biografia di Clara Longworth Chambrun la quale definisce Florio “Apostolo del Rinascimento in Inghilterra all’epoca di Shakespeare”, poi nel 1934 con il fondamentale libro di Frances Amelia Yates “John Florio. The life of an Italian in Shakespeare’s England.” In quest’opera che porta finalmente Florio all’attenzione di un più largo pubblico colto e anglosassone, la Yates affronta timidamente in due paginette, alla fine del libro, la questione del rapporto di Florio e Shakespeare, promettendo di occuparsene in un libro a venire. Yates non scriverà mai il libro annunciato nel 1934. Intimidita, come lei stessa lascia intendere, dalla severa disapprovazione dell’establishment accademico e politico dell’epoca per essersi occupata di uno sgradito contemporaneo del Bardo, l’allora giovane studiosa passerà con successo ad occuparsi di Giordano Bruno. Così, la biografia che sembrava destinata ad aprire una ricchissima stagione di ricerche universitarie su John Florio, ha paradossalmente messo fine per circa ottant’anni a ogni seria e approfondita ricerca sul grande scrittore e traduttore d’origine italiana. Questa scomparsa dall’orizzonte accademico è sospetta, da sola quasi una prova che John Florio è Shakespeare!

La ripresa del 2005

Dopo una serie di più o meno insignificanti articoli sul lessicografo e traduttore in cui mai si affronta il tema dei rapporti con Shakespeare, è soltanto nel 2005 che gli accademici riprendono ad occuparsi di Florio la cui figura, ruolo e importanza nella cultura dell’epoca riprendono a crescere. Tuttavia anche in questa ripresa di interesse per Florio il rapporto con Shakespeare resta nell’ombra. Nel 2008 è stata la volta del mio sito web e poi del mio libro in italiano, della traduzione inglese nel 2009 e ora, nel 2013, in versione ampliata e rivista anche come eBook. Peraltro, ormai l’interesse per Florio sembra essere irreversibile, destinato a durare e a crescere. Nessun serio e onesto studioso di Shakespeare può a questo punto “evitare” Florio come dimostra la cronaca accademica di questi anni recenti. Dopo i saggi di Manfred Pfister e Micheal Wyatt del 2005, secondo cui Florio non era un banale pedante ma un coltissimo e finissimo umanista, l’estate del 2013 un accademico britannico, Saul Frampton, ha pubblicato due lunghissimi articoli nel The Guardian* di Londra in cui sostiene, mai visto né sentito in 400 anni, che Florio ha fatto da editor, ha riscritto le opere di Shakespeare! L’autore ha anche annunciato un suo libro su Shakespeare e Florio. In realtà, Frampton non ha il coraggio di dirlo, Florio non ha fatto che rivedere il suo proprio teatro!

Evidentemente John Florio è lo Shakespeare ideale, è il Bardo che viene così naturalmente dall’Europa e non dalle campagne londinesi della fine del Cinquecento dominate dal dialetto. La rivoluzione shakespeariana della lingua e del teatro è un’opera che viene da fuori, risultato di una saldatura transculturale che solo un mediatore con le doti di Florio poteva compiere. Questo go- betweener ha tutto per essere Shakespeare, una volta tanto ideale e reale coincidono! Secondo il parere della critica internazionale c’è tanto Giordano Bruno in Shakespeare e Florio ha passato più di due anni con Bruno all’ambasciata francese di Londra; c’è tantissimo Montaigne in Shakespeare e Florio a tradotto in inglese i suoi Saggi; c’è anche molto Tasso, Aretino, Ariosto, Berni, Boiardo, Machiavelli, Lasca, Guarini, Bembo, Guazzo, Cinzio, Bandello, etc. e Florio aveva tutti i loro libri nella sua biblioteca personale e li insegnava alla gioventù dorata, ai rampolli dell’aristocrazia inglese; c’è tanto Boccaccio in Shakespeare e Florio è l’autore della prima traduzione integrale del Decamerone in inglese; c’è tanta Bibbia in Shakespeare e Florio ha studiato teologia all’università di Tubinga. Senza contare che il padre, figlio di ebrei convertiti, era stato francescano e poi pastore protestante; c’è tanta musica in Shakespeare e Florio ha introdotto i masques a Corte assistendo la sua regina e il suo re nella scelta dei musicisti; c’è tanto sentimento aristocratico in Shakespeare e Florio è stato il precettore del conte di Southampton prima e poi l’amico che ha goduto della protezione del giovane nobile, senza contare che ha fatto da segretario personale alla regina per sedici anni e ha tradotto in italiano un’operetta scritta da Giacomo I; ci sono tanti libri in Shakespeare e Florio ha lasciato nel suo testamento a William Herbert terzo conte di Pembroke 340 libri italiani, francesi e spagnoli più una quantità imprecisata di libri inglesi andati alla moglie, centinaia certamente e tutti oggi perduti!; ci sono tante PAROLE in Shakespeare , vecchie e appena coniate e Florio era un linguista, un mago del verbo, un poliglotta fanatico del linguaggio: il suo World of Words contiene 74000 parole italiane e circa 150000 inglesi. Florio ha inventato più di mille parole nella lingua di…Shake-speare! ; c’è una sorprendente introspezione ebraica nel Mercante di Venezia e Florio è figlio di un padre i cui genitori erano ebrei convertiti; infine, last but not least c’è tantissima Italia in Shakespeare a tutti i livelli: stilistico, linguistico, geografico, topografico, emotivo. E Florio è italiano, ha vissuto 17 anni nei Grigioni a due passi da Milano, Padova, Venezia … Questo in sintesi estrema è John Florio: nessun altro in Inghilterra possedeva a un così alto livello questi doni shakespeariani!

John Florio e l’Italia

E in Italia che si è detto e scritto di Florio?
Dagli inizi della mia ricerca mi sono chiesto perché in Italia ci sia tanta diffidenza, indifferenza, sufficienza, quasi disprezzo per la Shakespeare Authorship Question, ossia per il problema della paternità delle opere di Shakespeare. Che non sia una questione campata in aria appare evidente. Per un’opera teatrale e poetica che è una delle massime se non la massima della modernità l’autore, evidentemente, latita. E non è normale, non è logico, non è giusto. Manca di vita, di carne, di psiche. Manca la persona di Shakespeare e mancano i documenti anche personali, gli scritti, le lettere, insomma l’espressione diretta e necessaria della personalità di uno scrittore, al contrario di quello che succede ad esempio con Machiavelli, Ariosto, Tasso o Chaucer, Bacon, Ben Jonson. Manca di credibilità. La questione Shakespeariana esiste, è una realtà storica e non il risultato di una cospirazione plurigenerazionale che durerebbe almeno dalla metà dell’Ottocento se non dall’epoca stessa di Shakespeare! È ragionevole dubitare della versione ufficiale. Un fatto che io trovo particolarmente sorprendente è il poco o nessun valore che gli specialisti (e dunque l’opinione pubblica che contribuiscono a formare) attribuiscono ai giudizi sull’identità di Shakespeare espressi da un numero elevato di grandi scrittori e scienziati moderni. Mi riferisco evidentemente a autori come Henry James, Sigmund Freud, Charles Dickens, Walt Whitman, Mark Twain, Charlie Chaplin, Orson Welles e altri per cui il nome William Shakespeare (o Shake-speare) sulle copertine di alcune singole opere teatrali pubblicate all’epoca, non è sufficiente a identificare l’autore e che a «shake the Lance» ossia la penna, è stato qualcun altro. Autori questi, tutti degni di fede, reputatissimi, addirittura adorati, letti da moltitudini e insegnati nelle scuole ma che per questa loro posizione su Shakespeare invece vengono snobbati come si trattasse di cervelli balzani.

Ma torniamo al rifiuto di Florio da parte italiana. La prima ipotesi, per quanto riguarda il presente, è che la candidatura Florio sia stata inflazionata, bruciata in anni non lontani dal libretto di un professore di scuola media di Ragusa che ha rilanciato un suo Florio Crollalanza (Shakespeare era italiano, 80 pp. Ispica, 2002). La sua tesi folkloristica e l’approccio dilettantesco hanno avuto grande risalto nei media e non solo in Italia, anche il Times di Londra ne ha scritto. Questo non deve sorprendere perché più una tesi sulla questione shakespeariana, ad esempio, è fasulla e destituita di fondamento, dunque divertente, più i media hanno tendenza a accoglierla. La cultura italiana è perfettamente a suo agio con lo Shakespeare dominante, britannico e la semplice idea di sovvertire quest’ordine con un nome italiano la disturba. Gli accademici italiani si sono ben guardati dal sostenere qualsiasi storia sulle origini italiane di Shakespeare temendo che una simile tesi li avrebbe resi ridicoli agli occhi dei colleghi delle prestigiose università inglesi e americane che, tra l’altro, tengono i cordoni delle borse di studio e dei congressi internazionali. Così i nostri universitari, non solo hanno respinto sdegnosamente, con zelo superiore a quello dei britannici, le eventuali candidature italiche al ruolo di Bardo, ma sono arrivati a minimizzare anche l’influenza della cultura e della lingua italiane su Shakespeare e a snobbare totalmente John Florio eliminandolo dall’orizzonte dei loro studi.

Dopo il saggio informativo ma riduttivo di Vincenzo Spampanato nel 1924, è stato Mario Praz a massacrare, dieci anni più tardi, John Florio con una critica che sembra piuttosto una di quelle stroncature propinate a contemporanei avversari allo scopo di produrre loro il massimo danno possibile. In effetti è difficile da capire l’aggressività di Praz – insegnante di italiano in varie università inglesi dal 1923 al 1934 – nei confronti di chi, come Florio, l’aveva preceduto in Inghilterra guadagnandosi grande fama. Che non sia questa la chiave di lettura per interpretare tanto astio? Quale che sia la causa profonda, vediamo alcuni passaggi dell’incredibile stroncatura praziana, tratti da articoli poi raccolti nel volume Machiavelli in Inghilterra del 1962.

Personaggio importante, dunque il Florio, se non proprio simpatico. Poiché del cortigiano e del letterato cinquecentesco egli sembra possedere molte delle meno amabili caratteristiche, trafficone, sicofante, piaggiatore, pedante, acrimonioso (…) come tanti poligrafi dell’ età sua (…) è un mediocre che deve la sua fama a eccezionali circostanze. (…) Ché Florio era un retore (…) Non basta saper sciorinare tutte le risorse d’una lingua per essere buono scrittore (…) la figura dell’autore di un dizionario, d’una raccolta di proverbi, e di manuali di conversazione bilingue, non è circonfusa d’alcun alone poetico; nulla di sublime che ne redima la meschinità; (…) il Florio, pel quale la frase non è che un accordo di suoni, e l’importante è veramente la parola, caramella che egli succia beato, per classificarla o per estrarne una freddura. (…) Il suo insegnamento mirava più alla figura che alla sostanza; ad arricchir la memoria degli allievi con frasi fatte, proverbi, ecc. (pp.167,168,171, 375)

Quando uno dei “padri” della critica letteraria e dell’anglistica italiana si è espresso così su un autore, non sorprende più che le successive generazioni di studiosi italiani si siano piegate all’autorità del maestro e abbiano sottovalutato Florio inorridendo solo all’idea di una sua possibile identità shakespeariana. Così in Italia nessuno ha saputo interpretare i profondi legami del Bardo con la nostra letteratura e trarne le dovute conclusioni, nessuno ha visto come, al di là delle ingannevoli apparenze, il linguista erudito e il drammaturgo condividessero carattere, pregi e difetti al punto di coincidere!

Al di là del motivo forse più forte, appunto l’ossequioso, colonizzato allineamento con il credo delle università anglosassoni che hanno etichettato John Florio come talentuoso lessicografo, un pedante Oloferne a cui il Bardo si è vagamente ispirato e basta, bisogna dire anche che gli universitari italiani non hanno mai avuto simpatia per questo esule italiano. John Florio avendo vissuto tutta la sua vita lontano dal commercio con gli italiani, arriva a pubblicare, prima nel 1598 poi nel 1611, un dizionario che contiene 74000 parole italiane raccolte in una quantità di variegatissima letteratura, dai classici del Trecento a tutto il Cinquecento, ma anche in opere scientifiche, tecniche, gastronomiche e militari! Un exploit geniale, di una modernità sorprendente, un risultato superiore al dizionario della Crusca che deve aver lasciato gialli di invidia i dotti nostrani per quattro secoli! Tutto questo spiegherebbe bene l’antipatia che si è guadagnato in Italia. Se si pensa poi che, come ho detto, è stato quest’emigrante a tradurre Montaigne e, se non bastasse, a dare agli inglesi il Decamerone, allora si capisce come tanta virtù gli sia valsa l’oblio! In quattrocento anni nessuno, in Italia, ha scritto una monografia su di lui, quasi nessun saggio, né articoli importanti se si esclude quello di Spampanato nel 1924 e le calunnie di Praz nel 1934. E poi non esiste in Italia un premio di traduzione che porti il suo nome; né l’Istituto italiano di cultura di Londra gli è stato intitolato; né tanto meno è stata eretta una sua statua in qualche luogo significativo della capitale britannica o in una città italiana. Anche in occasione della ripresa di interesse e curiosità su John Florio nel 2005, sono studiosi stranieri, un tedesco, un americano e un inglese a riaprire il discorso mentre gli italiani continuano a tenersi, tradizionalmente, a distanza di sicurezza. Anche il rapporto stretto e intimo di amicizia di Florio con Giordano Bruno non ha incuriosito più di tanto i nostri universitari. Io mi chiedo, en passant, come coloro che conoscono le opere di Bruno non comprendano che il Nolano, l’academico di nulla academia, che detestava i pedanti, non avrebbe mai stretto amicizia per due anni con Giovanni Florio se questi fosse stato davvero il tronfio pedante descritto da Praz!

Uno studioso svizzero, comparatista e specialista di lingua e letteratura italiana insegnante alla CUNY di New York, Hermann Haller, ha pubblicato nell’aprile 2013 un’opera ai miei occhi importantissima per la rivelazione di Florio, l’edizione critica del primo dizionario al mondo delle lingue italiana e inglese pubblicato da John Florio nel 1598 A Worlde of Wordes. Se ne occuperanno i nostri specialisti? Difficile dire. Finora per la nostra cultura è stato assolutamente intollerabile che questo scomodo emigrante venisse proposto come Shakespeare. Un cambiamento rischioso. Un problema in più, un’immensa, imbarazzante eredità che richiederà un’autocritica e una celebrazione che nessuno avrà voglia di compiere. Ma ora John Florio è nell’aria, rischia di diventare di moda, inglesi e americani se ne occupano, rischia clamorosamente di imporsi come il vero Shakespeare.

A questo punto i nostri accademici e “tutti quanti” potrebbero diventare improvvisamente Floriani…

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*I due articoli di Saul Frampton si possono leggere qui:  http://www.guardian.co.uk/books/2013/jul/12/who-edited-shakespeare-john-florio?INTCMP=SRCH#start-of-comments http://www.theguardian.com/books/2013/aug/10/search-shakespeares-dark-lady- florio

La salamandra

Giuseppe A. Samonà

8170948596_071bc2400c_bArrivando, il caldo è soffocante, e dovrebbe esser notte, con noi a dormire, invece è giorno, e siamo svegli, anche se stralunati, e tutta quella gente dall’altra parte del vetro a battere con i pugni, accalcarsi, come se volessero proprio noi, noi in fila, stralunati, che dovremmo vorremmo dormire e siam svegli, e fa un caldo, e poi fuori, ancora più caldo, e la gente senza più il vetro, tutti che urlano si agitano ci accerchiano, tutti addosso, sì sì aiuto, e ci strattonano, ci toccano, aiuto, aiuto, hotel, hotel, siamo dentro un carrettino – ma quando siamo saliti ? – via a tutta velocità, ci ha anche un motore, ma che fa ? attenzione alla mucca, un’altra mucca, o è una vacca, it’s the same, ma in mezzo alla strada ? d’un pelo evitiamo un banchetto, un altro si rovescia, bestemmia, credo, il venditore, frutta tanta e bella a rotolare sull’asfalto, nella polvere, ma noi siamo lontani, oramai, via, via nel carrettino a motore che sembra una vespa grassoccia, mucche, macchine, altri carretti, banchetti, ho la nausea, ho paura, ma arriviamo, hashish hashish heroin, ma che dice ? no, no, ancora più paura, dove siamo ? via, dài, dentro l’hotel dentro la stanza, presto, chiudere la porta, e mi getto sul letto, esausto, appicicoso, schifoso, fa un caldo, un caldo, ed è sempre e per sempre giorno, almeno però sono sul letto, orizzontale, al sicuro – ma ecco, la vedo : proprio sopra di me, appiccicata al soffitto con le zampine a ventosa, rosa e ine, le schifose zampine, ma tutto il resto è one, enorme, e verde, la coda, il pancione (… one) che va su e giù, schifoso si gonfia e si sgonfia, respira, e il testone (one), che rovesciato mi guarda, gli occhi indifferenti, e la bocca si apre e si chiude, il collo anch’esso si gonfia e si sgonfia, come se stesse deglutendo qualcosa, o volesse parlare, sì, sì, mentre le labbra – ha anche labbra, maledizione ! – formano come un ghigno, sembra che sorrida, che rida. E sorridendo, ridendo – ma gli occhi come dissociati restano indifferenti – mi guarda, e finalmente (mi sembra) sibila, sussurra : Sono la salamandra – dice – e se mi gira ‘disventoso’ le mie zampine (così parlano le salamandre) e ti cado schifosissima sul viso. Sì, proprio questo dice – o forse son io che le leggo il pensiero, è lo stesso – guardando me che sul letto, dal letto, la guardo. E non mi muovo.

Dovunque altrove, è ovvio, sarei già balzato via, fuori, lontano. Ma ora, a che serve ? Fuori c’è hashish hashish heroin, e il traffico pauroso, la paura tutta, le mucche, i carretti, pericoli dappertutto, e la gente, la gente che urla, heroin, hotel, e persino mushrooms, e poi, è ovvio, hashish, hashish, e tira, strattona, tocca, tocca, con le mani schifose, lucertolose, sembrano anch’esse rosa, come mille zampine… Dio mio, se potessi la riattraverserai quella città infernale, sino all’aereoporto, al di là dei vetri, back through that fucking Looking-Glass e su, via, sull’aereo, per tornare a casa – non ho neanche vent’anni… Ma sono troppo, troppo stanco, appiccicoso, fa un caldo, non posso. Così, rimango steso sul letto, mentre le pale un poco più in là si son messe a girare – chi gliel’ha detto ? – rimestando il caldo, per me e la salamandra, che sempre sorride, ride, e mi guarda.(Quando il buio è arrivato, la sera, non paura come dovrebbe ci ha fatto, ma come un poco sollievo – come se tutto laggiù fosse stato al contrario, o forse è perché il tempo, almeno quello, rientrava nell’ordine, non so – e abbiamo messo il naso fuori dall’hotel, due passi, in mezzo alle ombre di uomini, sempre frenetici, urlanti, toccanti, ma come meno, e più dolci, c’è sembrato, ma sempre il caldo, e beviamo un mango delizioso, e ridiamo con il signore che ce lo vende e cerca di farci ridere, e cogliamo nell’aria un refolo – anche il vento esiste, allora… -, e guardiamo il cielo, le stelle, anche loro… – e torniamo nella nostra stanza, la salamandra sta sempre lì, ma mi sembra che non rida più, solo sorride, ed è, come tutto il resto, quasi accettabile :  il primo giorno sta finendo, e me ne accorgo – ma non mi accorgo, ancora non lo so, che mi sono già innamorato, e per sempre, dell’India)

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(…Or I could just cite Conrad again, only this time verbatim: “And this is how I saw the East. I have seen its secret places and have gazed into its very soul; but now I see it from a small boat, a high outline of mountains… The first sigh of the East on my face. That I can never forget. It was impalpable and enslaving, like a charm, like a whispered promise of mysterious delight”. How can I, today, not feel a sweet strong emotion seeing again in my mind that smiling salamander hanging over head?)

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(V. anche: Quand j’y repense en français)