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Auguste vs “August”

Les dictateurs sont souvent des clowns tristes qui pour se dérider projettent leurs passion tristes cher à Spinoza sur le monde devenu  leur carré de sable personnel. Là  ils peuvent faire et défaire leur château à leur guise, comme des enfants capricieux, colériques et frustrés qu’ils ont été. La scène du « dictateur » où Charlot/Hitler fait virevolter le globe sur ses pieds est éloquente à cet égard. En vérité les dictateurs cherchent leur double qui les déridera, un peu beaucoup, passionnément de leur mélancolie rédhibitoire. On raconte qu’Hitler s’est fait souvent projeter le film de Charlot tout hilare de s’être fait démasquer par un sosie qui lui ressemblait tant. Je ne sais pas si cette histoire est vraie, mais une chose est sûre. Chaplin était un clown triste qui se jouait de l’esprit de sérieux et Hitler un triste clown qui se prenait au sérieux. L’un était ironique, l’autre sardonique.  La semaine du 24 février  lors de la marche l’Ukraine à Paris, une militante ukrainienne rappelant les anciennes déclarations d’Alexeï Navalny pour conserver l’Ukraine dans le giron russe, l’avait comparé à un clone de Poutine. Cette affirmation navrante sinon maladroite quelques jours après la mort de ce dissident exemplaire n’est cependant dépourvue de vérité. Car si Navalny ressemblait au despote du Kremlin, c’est parce que Poutine face à lui était devenu sa caricature, une marionnette ridicule et piaffante.

L’ironie est un puissant dissolvant  du pouvoir des autocrates. C’est ce tournant ironique qui a sans doute donné au combat de Navalny sa prégnance et sa grandeur. Poutine le savait et le redoutait. Navalny a fait le pari que la prison dans laquelle il serait enfermé en revenant en Russie était aussi celle de Poutine même si elle était dorée. Pari risqué et dangereux, certes. Mais pari calculé. Voici à ce propos ce qu’en dit Vladimir Jankélévitch : « L’ironie qui ne craint pas les surprises, joue avec le danger… Elle l’imite, le provoque, le tourne en ridicule… même elle se risquera à travers les barreaux, pour que l’amusement soit aussi dangereux que possible, pour obtenir l’illusion complète de la vérité ; elle joue de sa fausse peur, et elle ne se lasse pas de vaincre ce danger délicieux qui meurt à tout instant. Le manège, à vrai dire, peut mal tourner, et Socrate en est mort ; car la conscience moderne ne tente pas impunément les créatures monstrueuses qui terrorisèrent la vieille conscience ».

Ces réflexions du philosophe français datent de la guerre froide. Elles demeurent plus que jamais d’actualité aujourd’hui à l’heure où l’on a enterré le dissident russe. Ces propos ont une autre vertu : celle de jeter une lumière inédite sur les liens que l’ironiste tisse avec l’autocrate. Et plus encore. Le modèle du clown triste, c’est l’Auguste. Son nom d’origine de l’argot berlinois qui veut dire « idiot ». Un dimanche de 1874, un garçon de piste du Circus Renz à Berlin trébuche sur la piste et s’effondre de tout son long dans la sciure. C’est l’hilarité générale. « Auguste » le clown qui fait écho au fou du roi du moyen-âge était né et aussitôt baptisé. Auguste renvoie aussi au premier empereur de l’Empire romain — Auguste — que les autocrates  ont cherché à imiter depuis le Saint Empire romain germanique jusqu’au 3e Reich. Les vrais Augustes aujourd’hui ne
sont pas. ce  que l’on croit.

Le nouvel évangile : le paradoxe transculturel

Par tradition catholique, le Christ a toujours été présent en Italie méridionale. Au siècle dernier, il l’a été aussi par sa médiation littéraire (Le Christ s’est arrêté à Eboli de Carlo Levi) puis cinématographique (Pier Paolo Pasolini et Mel Gibson). Voici qu’en 2019 à Matera, en Italie, le cinéaste activiste suisse Milo Rau en a ajoute un cran en le faisant porte-parole des exploités agricoles. Ce sel de la terre est « Le nouvel évangile » que l’Observatoire de la diversité culturelle des Lilas a eu l’excellente idée de projeter le 6 mars 2024 en présence de son acteur principal, l’activiste italo-camerounais Yvan Sagnet.

Rarement film aura percuté aussi frontalement ma propre histoire familiale. Nous sommes en 1899 dans les Pouilles, un garçon de seize ans s’apprête à émigrer comme des millions d’autres pour les Amériques. Il a refusé d’être un « bracciante » : un travailleur agricole employé à la journée et payé une misère. Les latifundia, ces grandes propriétés survivent encore par leur archaïsme sectaire dans cette Italie à peine remembrée. Avec son pécule amassé vingt ans durant, il achètera un lopin de terre et deviendra à son tour exploitant agricole. Ce jeune méridional s’appelait Giovanni Montaruli. C’était mon grand-père.

Un peuple d’immigrants à l’épreuve du migrant
Si ma famille était restée dans les Pouilles, il est possible que j’eusse hérité de ses terres. J’aurais alors été confronté au dilemme exposé dans ce pertinent docu-drama : céder aux pressions des grandes firmes en exploitant à mon tour les plus fragiles que moi ou résister avec les ouvriers agricoles pour trouver ensemble une autre manière de vivre et de travailler. Tel est aussi l’équation christique que Milo Rau nous propose de revisiter.

Le coup de génie du cinéaste activiste est d’avoir su croiser dans ce film le combat spirituel du passé avec la révolte des exploités du présent. Ce télescopage inopiné redonne toute son sens et sa brûlante actualité au sacrifice christique qui permet simultanément de faire une œuvre de cinéma et de ressembler des personnes fort différentes qui jusque là ne s’étaient pas parlé.

Voilà bien la grande vertu sinon l’originalité de ce cinéma engagé comme l’a reconnu volontiers l’activiste Yvan Sagnet que Rau a choisi justement pour interpréter le Christ. La médiatisation induite par le film qui a remporté le prix du meilleur documentaire en Suisse a en effet rendu possible les conditions d’une filière agroalimentaire éthique dans cette région ? Conséquence : la légalisation et l’amélioration de la situation de milliers de travailleurs agricoles africains migrants et souvent sans-papiers; (Pour informations www.nocap.it  

Le moment transculturel
Cette mobilisation à laquelle nous assistons avec ses contradictions et ses hésitations (que le cinéaste a choisi de conserver) est aussi un pur moment transculturel. L’œcuménisme linguistique se déploie dans toute sa diversité. Le bambara, le wolof… l’italien, le français, l’anglais s’entrechoquent dans un joyeux et militant Babel sonore et musical. Elles créent de la sorte l’espace d’une hospitalité transculturelle à mi-chemin entre la langue nationale et la lingua franca du commerce mondialisé. A contrario, ce moment désigne aussi aux pouvoirs autocrates le nouveau bouc émissaire : le migrant sans papier souvent africain. Le projet de « remigration » de l’extrême droite allemande ne laisse hélas pas de doute à cet égard.

Kairos
Tel est le « Kairos », l’occasion dont Rau, comme à son habitude, sait saisir les enjeux et réussit à la mettre en scène. Matera était à cet égard le lieu idéal. Non seulement à cause du cinéma plus haut mentionné, mais parce qu’elle fut naguère, la ville la plus misérable d’Italie avant d’être en 2019 élevée au rang de capitale culturelle de l’Europe. Matera toutefois n’a pas coupé complètement avec la misère puisqu’elle abrite aussi le plus grand ghetto de travailleurs agricoles migrants de l’Italie méridionale. Voilà bien l’occasion pour croiser le profane et le sacré tant du point de vue éthique, esthétique et politique. Cela donne un curieux, mais très efficace objet social hybride qui, comme les graffiti de Banski, casse les codes de la représentation classique et innove la manière de faire événement.

La distanciation de Brecht et les Mystères
Pour y arriver, le réalisateur activiste va appliquer deux méthodes éprouvées . La première, la plus récente, est celle de Berthold Brecht qui a théorisé la distanciation de l’acteur avec son personnage. Le but est de révoquer, derechef, toute tentative d’identification. En étant le témoin de la fabrication du film et de sa mise en scène effective, le spectateur est toujours renvoyé à son rôle politique d’observateur et d’acteur potentiel du réel. Étonnante mise en abyme où la fiction se confronte à la réalité, où le profane permute le sacré et le déconstruit.

La seconde est la plus ancienne est la réactivation de la grande tradition des « Mystères ». Au moyen-âge ce fut un formidable outil pédagogique utilisé par l’Église pour instiller la foi au peuple des villes souvent illettré. La passion du Christ en est le cœur. La ville entière y participe dans un formidable élan d’espérance carnavalesque et populaire. Cette tradition a donné naissance par l’entremise de Rabelais à la fiction moderne : le roman.

Émotion, motion, démotion
Mais chez Rau la parodie rabelaisienne si drolatique brille par son absence. C’est d’ailleurs la limite de cet exercice qui reste obstinément dans le registre social. En voulant réduire sciemment la dramatisation du mystère, en gommant au maximum sa dimension spirituelle, Rau affaiblit sa valeur esthétique. Or la Mimesis, l’imitation bien comprise induit l’ironie qui est le fondement de l’art moderne authentique. Car par l’art, le sacrifice humain, le bouc émissaire, n’est plus la condition nécessaire pour faire l’unité du groupe. Rau le sait bien, mais s’en méfie. Malgré quelques beaux et grands moments d’émotion (dont l’une ô combien troublante dans laquelle un jeune homme italien voulant jouer un soldat de Ponce Pilate torturant le Christ se transforme sous nos yeux en véritable monstre de cruauté), plusieurs scènes sont bâclées, ou à peine esquissées. L’impression qui s’en dégage demeure celle de l’improvisation, de l’inachevé. Encore, un sympathique fourre-tout que les cinéastes militants ont le don de trousser. (Deux mois plus tôt dans la même salle Yannis Youalountas présentait son nouveau documentaire intitulé « Nous n’avons pas peur des ruines », mais moins réussi). On me dira que cela est assumé d’emblée. Certes, mais à trop vouloir court-circuiter l’émotion et circonscrire l’ironie, on réduit le film à une plaisante pochade, une aimable répétition d’amateurs, un théâtre social utile bien sûr, mais conjoncturel qu’il faut consommer avant que la date de préemption n’échoie. Dommage.

Encore un effort monsieur Rau !

 

Ode, Gratitude, Héritage vécu, ressenti… Carlo Bengio

Carlo a été un extraordinaire cher ami pour une brève période entre la fin des années 1980 et 1995, avec Célia, sa femme et Patricia, la mienne et les amis du magazine ViceVersa nous avons beaucoup parlé, discuté, mangé et beaucoup ri. Carlo, un explosif, génial non-Jewish Jew, en 1993 a mis en scène dans un théâtre de Montréal un patchwork fou sur Antonin Artaud pour le dixième anniversaire du magazine…

Je laisse son petit-fils Patrick parler de lui…ciao Carlo. (L.T.)

 

Patrick Bengio

Mon grand-père que j’aimais et que j’aimerai nous a quitté en avril 2019. Sa voix, parfois grande et tonitruante, parfois timide et effacée derrière l’humilité, cette voix souvent secouée de rires profonds et sincères qui font plisser les visages en grandes rides à vous plisser les yeux et embrouiller la vue, cette voix qui a tant résonné dans mes oreilles toute ma vie, ne résonnera plus jamais.

https://youtu.be/YDQoZi8bry0

Interjections

Voix : Carlo Bengio. Extraits choisis dans ”Interjections”, Antonin Artaud Composition : Patrick Bengio, Gamelan Gong Kebyar: Atelier de Gamelan de l’Université de Montréal, 2016.

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Carlo fut une personne très importante au niveau familial et dans mon identité personnelle. Il fut un de ceux et de celles qui ont eu un rôle décisif dans mes choix de vie, dans ma vision de la vie et dans mon développement artistique.

Balloté entre philosophie, politique, science, art et théâtre, communisme et anarchisme, balloté entre le Maroc de sa jeunesse et son Québec d’accueil en passant par la culture française coloniale, d’origine judéo-marocaine mais autant athée (ou plutôt Spinoziste!) qu’anti-sioniste, et avec un dédain, quasiment une crainte (?) du superflu, de l’autopromotion complaisante, ou même de l’autopromotion tout court, tout cela ou presque, il semble, a coulé, a été transmis à ses enfants et à ses petits-enfants dont je suis. Et ce sans autorité, sans grande pompe, simplement par la force de l’exemple et de l’être.

Ainsi c’est le plus naturellement du monde que Carlo m’a, très tôt, ouvert les portes de l’univers artistique. Quand j’étais enfant ou pré-ado, il me parlait, de temps en temps, tout bonnement, de ses créations théâtrales et de son processus du moment. Il me semble que je ne comprenais vraiment pas toujours, c’était assez philosophique ou abstrait mais, c’était sans aucune pression de comprendre, donc sans frustration… il me partageait, simplement, son univers à lui, tout comme durant les rencontres familiales. Je me rappelle de bribes de répétitions générales ou de spectacles… ces salles de théâtre, quels vastes lieux pour un enfant ! Derrière chaque ombre, chaque couleur, chaque rideau, chaque console d’éclairage ou de son, quel monde caché, quel paramètre encore insoupçonné de la vie ?! Et ces comédien-nes avec leurs expressions loufoques, leur maquillage épeurant, leurs interactions étranges, quels personnages bizarres !! Il existerait donc un monde au-delà du réel ?

 

(Bien sûr je ne pensais pas avec ces mots-là quand j’étais enfant, c’est bien sûr une rétrospective d’adulte, hé hé hé …)

 

Adolescent je fus souvent présent à un endroit ou un autre dans ses pièces de théâtre – à la régie plusieurs fois, à la console, et même (!) par deux fois, un petit rôle sur scène, ha ha! En retirais-je une certaine théâtralité, non pas en talent (car là ne résida point mon talent !) mais simplement dans certaines façons d’être et de voir le monde ? Je ne sais pas.

Mais ce n’est pas le théâtre, parmi les arts, qui au final excita mon imaginaire et ma passion, c’est la musique. L’art le plus abstrait. La philosophie moins les mots. La science moins la finalité. Le discours moins le rationnel. Juste du corps en vibration, en é-motion. Je fus bercé dans ma famille, une famille créative, sans musicien.ne professionnel.le pour autant, par toutes sortes de musiques très diverses, des musiques qui vous forgent l’imaginaire à grand coups de contrastes et de non-conformité. Je fus bercé notamment par les magnifiques musiques du Maghreb et du Moyen-Orient, autant de par Carlo que de par le reste de ma famille, paternelle et maternelle.

Or, une des toutes dernières pièces de Carlo fut le théâtre d’une de mes toutes premières créations diffusées en public, car il m’avait confié la création de la bande sonore de cette pièce, le ”Tourniquet”, de Georges Lanoux. Cette époque est en phase avec l’époque de l’acquisition pour moi indélébile et qui me suivra jusqu’à la mort, d’une identité. Musicien. Créateur. Une des raisons (pas la seule…) qui font que le soir, j’ai presque toujours hâte au matin.

La dernière collaboration que j’ai pu effectuer avec lui fut celle-ci, ”Interjections”, prélude et support artistique pour une intervention qu’il a donnée lors d’un colloque sur Gilles Deleuze en 2015 à Cerisy en France. Vous y entendrez la voix de Carlo résonner et tonner sur un texte d’Antonin Artaud, extraits choisis dans ”Interjections”.

A un giovane poeta,

„Briefe an einen jungen Dichter“

Jean-Charles Vegliante

Photo Mia Lecomte

 

 

 

Per cominciare a scrivere, se scrivere vuoi, devi leggere e leggere ancora, non solo poeti ma letteratura varia il più possibile, con una certa preferenza data a testi cosiddetti poetici. Poi, non devi mai sentirti in obbligo di niente, nemmeno di scrivere alcunché – tipo: cascasse il cielo, tre pagine al giorno –, se non ti credi spinto quasi tuo malgrado all’atto temerario di scrivere. Ogni vera scrittura è necessaria, e a rischio. Deve perciò servire a qualcosa – o perlomeno a qualcuno (il famoso “almeno un lettore”). Questa sarebbe la cornice o gabbia, per così dire etica, del tuo futuro mestiere.

Non ti lasciare irretire da pezzulli creduti à la mode come:

Vivi ora, fallo subito, la vita è breve. Vissima. Sima. Ed è subito pera. Avvocato accoltellato alla gola dalla ex compagna; è morto. Spreco di cibo, gravissimi due centauri. Per vivere col sorriso la stagione del foliage. Il sindaco di Sant’Agata parla di “rammarico per quanto avvenuto”. Rumori di fondo, sciame elettronico. E quando ci lascerà questo brusìo insensato e noioso? Mellie Pinco, selfie sexy su Instagram in lingerie nera e tacchi: l’ex modella stupisce e fa subito il pieno di like. Niente di personale, sia chiaro, a me sta a cuore il futuro del paese se prima di morire lascia un milione di euro al comune. Il giovane ha cercato di avere rapporti con un cumulo di foglie secche cadute in strada: arrestato. Ovviamente lo scatto è stato fatto in modo tale da non mostrare le intimità né della madre e né del figlio. Per me sei incommensurabile detto ciò. Posa nuda a 46 anni: lieve ischemia. Il codolo è la parte terminale di una lama andata molto storto se la soluzione è di tenere un coltello alla gola. Sono single e felice ma voglio innamorarmi. Ne ho il sacrosanto diritto oddio. Resta impigliata al cancello di casa: muore a 18 anni. Totalmente WTH cioè.

In tempi di Internet e di social, diffida innanzitutto dell’allusività, dei sottintesi, del “va da sé” fra amici (anzi friends). Pensa che molti interventi commenti accidenti hanno là una durata di vita molto breve, e dopo due o tre mesi non vengono più compresi da chi volesse (per caso) ancora leggerli – ma perché, mi chiedo? – Tu devi scrivere come se fossi convinto di diventare, bene o male, un classico; un classico moderno, s’intende, o addirittura ipercontemporaneo. Ossia uno che, al momento della stesura, si sia posto “en avant” (Rimbaud). Vale a dire: rivolto a lettori possibili, “a venire” (Fortini), sempre e ovunque. E magari pure in quanto autore postumo, non importa.

Diffida pure di quelle sensazioni che ti saranno parse sicuramente profonde e poetiche, ma diventate incomprensibili addirittura a te stesso, dopo un certo intervallo. Così alcuni brandelli di frasi o quasi versi regalati nel sonno o dormiveglia, deludenti quando non siano già cancellati al risveglio. Come: Dammi forte la mano per entrare nel bosco. Brivido del crepuscolo. Mi stimolava osservare il modo bizzarro in cui alla luce del sole si aggregava la polvere, nei posti meno prevedibili poi. Il pomeriggio opprime chi è nell’attesa di un qualche evento. Vagava il pensiero del nulla per conto suo, mentre ero circondato dal ronzio di molte mosche, invisibili fuori della finestra, fuse nell’aria. La luna dicotoma lucentissima quasi posata sul tetto richiamava il profilo di lei, impenetrabile e pregno di un’indefinibile rancore, provocandogli uno strazio quasi doloroso. E se fosse partita Penelope? Un’angustia da cui non usciva se non precipitando di colpo in un sonno greve, serrato come una canna di pozzo. Come galleria profonda di talpe timide. E musica sommersa calamitata dalla gravità intorno. Ballavamo lentamente, appiccicati aaah.

Dire quell’alba era indimenticabile non basta; tanto, nessuno l’avrà vista come te. Ma pure l’alba di albedine (allitterazione + figura etimologica e quasi dittologia) sarebbe insufficiente a fare di un vago “poetico” poesia. Questa è in genere restia ai sentimenti. Anzi, rifugge dalle emozioni (T.S. Eliot), senza negare pertanto che “senza emozione non si dà poesia” (Max Jacob). La poesia è di per sé paradossale. Perché dovrei subire quegli ombelichi infossati fra onde sovrapposte di ciccia – eppur denudati – solo in omaggio (pregiudiziale) alla moda dell’anno? Così come il “so romantic”, neanche l’invettiva di per sé fa poesia. E nemmeno l’apparentemente “semplice” quotidianità (Andreas Becker insegna: “Parole come bigodini, come mollette, parole come popolari”). L’antica definizione di Dante non contemplava niente di tale (bensì: invenzione – la fictio –, costrutto con retorica, musicalità) e insisteva sull’unità o sintesi dell’insieme (il poiein, alla fine, quale atto, azione compiuta). La stessa invenzione assoluta è merce rara, si trova sì e no una volta ogni secolo (Rimbaud), e si limita sovente al riciclaggio di buon livello, ossia a riletture e riscritture continue (di qui la necessità di leggere, affermata d’acchito e da ribadire ancora, senza limiti). Non è da escludere l’esercizio antico dell’imitazione, delle “à la manière de”, dei “pastiches” (Proust). Il tutto complicato, all’occorrenza, dall’adozione di una determinata gabbia metrica – poi da distruggere tranquillamente se si vuole scorrazzare liberi per altre spiagge. Alla fine, cancellare tutto ciò che vien detto “romantic” dagli amici anglosassoni. Conservare l’osso.   

Ma allora, tanto vale affidarsi agli algoritmi poetici, poco inclini alla sentimentalità, come in effetti pretendono alcuni brillanti teorici attuali? Occhio però alle conseguenze, anche immediate. Se l’I. A. consente di pensare ormai per così dire “umanamente” – o “razionalmente” in senso lato –, prevedendo all’istante la parola che stai per scrivere (ad es. se cominci a digitare spia- ti si propone spiaggia, o spiare, o spiazzato; mentre volevi scrivere magari spiaccia o spiallato, meno prevedibili) col pericolo di farti perdere il filo della tua propria, esitante espressione… Ma l’I. A. ti può anche, in altre forme programmate, offrire una bella figurina illustrativa: come un tramonto sulla città se hai digitato sera; ma tu, quasi come Rimbaud diceva dell’alba, volevi tentare “la sera mi bacia con lenta tenerezza”, magari senza ombra di abitazioni umane in giro, o addirittura invece in un vano vuoto nudo e chiuso, in una stanza, chissà. Chissà. I risultati suggeriti dall’I. A. potrebbero impoverire presto, anziché arricchire l’espressione, rendendola “spontaneamente” sempre più conforme a quanto passa il convento: ossia la doxa comune. E difatti, il linguaggio che si orecchia in giro, o si legge in rete è via via sempre più scontato, stereotipo, prevedibile appunto dall’I. A. (o viceversa?)… Abbiamo già in noi tale tendenza all’espressione invalsa, alle visuali banali, non aggiungiamo acqua fredda all’acqua calda – o pulci al mercatino.

Il poetico può essere sì, tra le sue cento o mille definizioni possibili comunque insufficienti, proprio “imprevedibile” – come del resto è sempre stata la semantica profonda di un discorso umano, al di là della mera lettura semiotica invalsa verso la fine del Novecento. In questo campo, le scienze cognitive, velocissime e in costante progressione, hanno ancora parecchio da fare. Sia pure, come sembra acquisito ormai, aggiungendo un granello di “fantasia” o meglio forse di azzardo (ché “fantasia prevedibile” mi sembra un ossimoro strambo) agli algoritmi. E, come di fatto dicono, cominciano a programmarlo. Ce la faranno? Potrebbe essere una pura illusione sia la “razionalità” della metafora informatica, sia il suo potere creativo; e una truffa la pretesa maggiore libertà dei social media (in parole povere, ampiamente monitorati come tutti sappiamo). Torniamo anzi al lapis, alla biro, al gessetto – non sempre magari, ma ogni tanto utili – appunto per migliorare le nostre capacità cognitive: questo, soprattutto per i più giovani (e fin da piccoli) non è affatto uno scherzo. Né un nostalgico appello ai “bei tempi passati”. Ma una misura preventiva minimalista per non incrementare il cretinismo e la dimenticanza spaventosa che incombono su di noi in ogni regione del mondo unificato. Sconsigliabile invece la penna d’oca, per ovvi motivi di praticità ed ecologia (lo stesso s’intenda della pergamena). Il ritmo e la forma sono dati anche dalla mano scrivente, polso e dita, e battere sui tasti o premere pulsanti non basta a sviluppare né il pensiero né l’espressione, né tantomeno la varietà visiva, spaziale dei testi prodotti (non stiamo parlando solo di calligrafia).

Codicillo, tornando all’indispensabile pratica della lettura: da privilegiare, anche lì, testi non pre-digeriti dai filtri elettronici, ma possibilmente integri e meglio se cartacei. La dispersione del “cerca trova” ipertestuale distrugge la qualità primaria di ogni discorso umano “naturale” (ossia, va da sé, culturale): la sua coerenza e dinamica interna, e il suo rapporto globale, non frammentato, con un insieme complesso quanto indefinito di altri discorsi prodotti prima e dopo di esso. Capillarità del sangue vivo, non pulverulenza accumulata dal big data. Insomma, prova a leggere opere complete, inserendole ma a modo tuo e con le tue capacità cognitive proprie nell’arcitesto che via via andrai costruendoti. Nessuno, né maestro né strumentazione artificiale, potrà mai farlo al posto tuo e con economia di sinapsi neuronali tue. Purtroppo sì, ci vuole tempo, ma è il tempo medesimo del testo, il suo spazio-tempo letterario: e non abbiamo altro. Amen(te). 

 

 

Quʼest-ce que jouer ?

«Lettre à une jeune actrice avant son examen»

Serge Ouaknine en nous envoyant sa “Lettre a une jeune actrice avant son examen” nous a écrit ceci:

J’ai écrit le texte ci-dessous il y a une vingtaine d’années à Montréal dans un blog de théâtre… je répondais à une jeune actrice qui demandait conseil avant son examen. 
Quelques années plus tard Catherine Cyr mon assistante prit l’initiative de l’envoyer à la Revue Jeu de Montréal qui l’a publié.
(…) Je ne sais s’il a bien vieilli et s’il peut toucher encore un artiste contemporain…

Nous avons décidé que sa lettre touche encore, la voici:

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Dessin de L.Tassinari

La fiction doit l’emporter sur la didactique. Brûlure de toujours… Double visage de lʼartiste de dire et de laisser parler… Il faut faire avec ses démons…

Ce qui est important pour vous, c’est de savoir « nuancer » votre jeu par des ruptures claires et parfois abruptes. Quand et où la voix est très rageuse et quand se perd-elle dans une fluide nostalgie (dans la même phrase). Ne montez pas la voix à la fin des phrases, défaut des débutants. Ne criez pas les mots « importants ». La vérité est un énoncé du silence.

Dites à contresens, à contre-courant, les mots que vous croyez importants. La vérité est un paradoxe, pas une thèse… quand elle tombe dans le grave et puis le silence et puis quand elle s’accélère.

Ce qu’on doit croire, c’est vous, pas les mots. Jouez vite, furtivement, pour effacer le sens des mots qui est déjà là, dans le texte. Mettez l’accent sur un détail du corps. Un détail. Ne vous agitez pas. Faites rire et pleurer en même temps une phrase. Le théâtre est le lieu où se répare un deuil, où se confirme un ressentiment de dépossédé ou lʼurgence dʼun désir… Soyez « vulgaire » ou détrônée, mais avec élégance.

Ne cherchez pas l’intelligence, c’est le rôle de l’auteur pas le vôtre. Vous devez demeurer musique et vibration des organes… Seules de bonnes ruptures de jeu font entendre la continuité du personnage… Le jeu est une « démesure », un excès non télévisuel, une amplitude qui doit émouvoir le ciel. Soyez droite et souple…

Regardez loin et parfois faites sentir que c’est à vous-même que vous parlez, comme une confession intime, et, dʼautres fois, que c’est une adresse à la salle entière, simple métaphore de l’humanité entière…

 Les mots sont une danse, une rage ou une prière… et parfois une déclaration d’amour. Toutes les déclarations d’amour ne sont pas des prières mais des appels et des revendications terribles et parfois des soupirs de honte.

Cherchez le héros chevaleresque et impatient et en même temps le vaincu errant et qui accepte la défaite… On ne fait pas deux fois le même cadeau. Aussi, ne vous enfermez pas dans la monotonie du grand flux où vous croyez vous fondre en votre personnage. Même les litanies ont des nuances et des stances qui altèrent le cours du réel.

Ne comptez pas sur votre « partenaire » mais sur ce que vous lui offrez. Certes, un bon partenaire participe de la poésie de la rencontre, mais dites-vous que vous êtes le timon du poème à lʼécoute du vent. Et que parfois vous êtes le vent, briseur de cargaison…

Une chose est certaine, l’art a une fonction « réparatrice » si c’est le langage qui est honoré. Je dis réparatrice et non thérapeutique. Notre époque confond tout. La réparation concerne le monde. La thérapie concerne le moi seulement. Si ces phrases dont vous êtes lʼambassadrice sont la nécessité du poète, il faut les laisser aller à leur vide naturel par une vacuité intérieure. Votre absence aussi est féconde, une absence attentive – car elle exprime un état du monde, l’heure juste d’une vie.

Lʼart n’est pas moral. Il faut savoir dire « non » par le rôle, dans la situation, mais pas à votre partenaire à qui vous adressez en permanence un « oui ». Un « oui » inaudible. Vous nʼêtes pas le personnage mais son hôte salvateur, son avocat, partie prenante et lointaine en même temps. Cʼest cette distance bienfaisante qui permet le flux du vrai.

Dans un rôle, ce qui est « juste » se limite à un excès de rigueur, au pire à un excès de contrôle. Mais ce qui est « vrai », cʼest un abandon dont vous gardez la maîtrise. La maîtrise offre, le contrôle retient. Enfin la technologie est un pont ce n’est pas une finalité. Restez à l’écoute pudique et sensible de la violence du monde !

 Votre voix, cʼest votre tête qui descend vivre au ventre, cʼest votre sexe qui remonte en un déchirement aigu, c’est ce qui dénoue lʼamplitude pour le bonheur dʼun silence collectif. Et puis « rentrez le menton », chassez la voix de tête en tirant par la nuque vers le ciel pour laisser descendre ce Dieu qui illumine votre présence charnelle. Mais résistez toujours à la pesanteur, demeurez en tension, même avachie comme un clochard ivre…

Repoussez le sol et ne vous fondez pas à lui. Marchez comme un fantôme énergiquement lent. Comme un dragon qui veut vaincre et que lʼamour peut enivrer. Vos ancrages intimes doivent subvertir le rôle, casser lʼénonciation usuelle. Et parfois le texte vous ordonne dʼêtre un souffle lent et soutenu comme une agonie de lʼâme… une agonie sans cesse  recommencée…

Amitiés,

Serge Ouaknine