Karim Moutarrif
I remember it was in the Nineties. Juste à un moment où le monolinguisme commençait à m’étouffer. Je sortais déconfit d’une thèse de Phd où je ne comprenais pas pourquoi la terminologie de l’anthropologie raciste, la vraie, celle du XIXe et des colonies où les blancs partaient civiliser les autres infras de la planète, continuait de régir les classifications des différents ressortissants de la Terre, atterris au gré des crises, en Amérique du Nord, au Canada ou aux États-Unis. Je ne comprenais pas pourquoi on arrivait avec un passeport et une nationalité, dans deux pays qui adhèrent aux ‘nations’ unies et on se faisait ré-identifier dans une appartenance à une ethnie, à une « minorité visible », on parlait de race blanche caucasienne.
J’étais perdu devant le conformisme de masse des chercheurs! Et pour cause, la guerre de sécession a laissé les USA exsangues et en retard pour leur révolution industrielle. La Grande Bretagne avait lancé le bal dès 1830 et la France suivit, une vingtaine d’années plus tard. C’est la Prusse qui fut retenue avec l’envoi de près de 10000 étudiants, qui furent formés en langue allemande. En même temps qu’ils prirent l’ingénierie, ils raflèrent la pseudo science nommée anthropologie raciste, ce qui leur permettait de régler le sort de ce qu’ils appellent les Premières Nations et celui des Africains. Les sciences humaines nord-américaines ont été bâties sur ces préceptes là. La catégorisation raciste persiste dans le modèle statistique au Canada comme aux États-Unis, elle transpire dans le langage des fonctionnaires. Dans le quotidien, sur les journaux il est constamment fait référence à la race.
Quelqu’un m’a donné un coup de pouce sans le savoir. Dans un texte qu’il a publié dans la Revue Internationale d’action communautaire, un certain Lamberto Tassinari disait que le mot race avait été remplacé par le mot ethnie dans le traitement de l’altérité. Pour la première fois, je lisais quelque chose qui était dit d’une franchise déconcertante et qui convergeait avec ma pensée.
Quelques années plus tard, j’eus la charge d’une étude sur la «communauté » italienne de l’ile de Montréal. Parmi les personnes à rencontrer, il y avait les responsables des journaux et magazines italiens. Sur la liste figurait, à tort, Vice Versa que je m’empressais de visiter pour enfin rencontrer l’inconnu qui m’avait stimulé dans ma recherche.
Le bureau était alors dans un immeuble étrangement nommé Balfour, sur la rue Saint-Laurent, au coin de la rue Prince Arthur à Montréal.
C’était deux pièces en enfilade, au deuxième ou troisième étage. Dans la première, aveugle, il y avait deux bureaux. Dans celle du fond, il y avait une fenêtre sur toute la largeur. Près de celle-ci se tenait le bureau du boss. Le long du mur de droite, il y avait un autre bureau. Enfin, au milieu, une table servait aux réunions d’équipe. Je me souviens aussi d’un alignement d’horloges qui donnaient l’heure sur différents continents, sur le mur opposé.
Lamberto était disponible, nous avons longuement parlé d’immigration de transculture . Je lui confiais mes doutes et il conclut notre conversation par : « écris un article » sous entendant qu’il le publierait. C’était le résultat de notre première rencontre. Je suis sorti, sur la rue Saint-Laurent, heureux et reconnaissant. Quelqu’un venait de me faire confiance et c’est ainsi que j’ai embarqué dans cette touchante aventure entre métèques.
Depuis lors j’ai pris le Vice et je l’ai gardé. Since then, I recognized myself as a Transcultural for ever.
Un texte « simple », juste, émouvant, comme un souffle… Merci, grazie Karim.