IO SONO CANADESE

 Dans un ancien numéro  de  ViceVersa dédié à l’Italie, j’écrivais un texte intitulé  “l’altra riva”  où je faisais état  des “affinités électives” qui nous lient à une langues ou à une culture étrangère à la nôtre. L’ami  Jacques  Brisson nous en donne  ici une  belle démonstration.

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Jacques Brisson   Non parlo italiano. Toutefois, je le lis un peu.

Mais pour le parler, le parole non mi vengono facilmente.

Which is not the case in inglese.

Oui, je parle l’anglais.

Ce qui est normal since I live in North america.

As I am surrounded by inglese speaking people.

Pourquoi cet attrait pour l’Italie?

Pourtant, io sono canadese, io sono québécois.

Sinceramente non lo so.

Peut-être à cause du but de Roberto Baggio sur Zubizarreta.

Ou peut-être que ça en dit davantage sur moi que sur l’Italie,

I guess.

Un jour un ami, ciao Lamberto!

who teaches italian at the university,

m’a raconté que certains québécois se transforment littéralement en italiens pendant ses cours.

con le mani sempre in movimento.

Culture forte, culture faible,

he said to me.

a

J’ai toujours été attiré par les cultures étrangères.

Je ne me suis jamais totalement senti québécois.

Never totally canadian either.

I’ve grown up looking outside.

Nourri de musique et de littérature provenant d’ailleurs.

De culture provenant d’Italie.

Tabucchi, Benni, Gadda, Baricco, Moravia, Moretti, Ruggeri,

tels furent mes maîtres

Hanno costruito la mia Italia!

Et la Sicile!

Non so perchè.

Non parlo italiano. Toutefois, je le lis un peu.

Je le traduis un peu.

Lentamente, molto lentamente,

Giorgio Agamben, Francesca Borri, Alessandro Bertante.

Ma façon de m’approprier la culture, de fuir la mienne.

Ne pas aimer sa culture, est-ce ne pas s’aimer?

Fondamentalement, le québécois ne s’aime pas.

Son histoire est jonchée de défaites et d’échecs.

Il a été méprisé, châtié, humilié.

Ceci laisse des traces indélibiles, structurantes, permanentes.

Un peuple qui est pleutre au point de

se dire non à deux reprises,

ne peut pas exiger à hauts cris

qu’on le considère comme une nation.

Appelés au parloir de l’Histoire,

on a fait dans notre froc.

Alors on se replie sur soi et on se vautre dans le fric.

Désormais société qui bande au cash.

Mais il en restera toujours quelque chose.

Pour combattre cette aliénation impregnée dans nos gènes,

deux approches: gueuler une fierté factice ou regarder ailleurs.

Je regarde ailleurs.

Non parlo italiano. Toutefois, je le lis un peu.

Je le traduis un peu.

Je le suis un peu.

Mais io sono canadese. Io sono québécois.

Il me reste peut-être 10-15-20 ans à vivre.

Après ma mort, je veux qu’on m’enterre,

la tête à Ste-Flavie, mon nez hûmant l’air salin et le varech.

Le coeur à Agrigento, dans mes veines coulant pour toujours,

le nero d’avola et le pignatello.