Giuseppe A. Samonà
Ils ont la même odeur, les mêmes expressions, voire les mêmes traits physiques – cela arrive à ceux qui pendant de nombreuses années, peut-être dès le début, depuis toujours, partagent leur existence quotidienne. Le matin, quand il se réveille – ils dorment l’un à côté de l’autre – l’homme est la première chose que voit le chameau. À genoux, le visage velu qui se tend en avant, les lèvres saillantes entrouvertes, les yeux mi-clos, il le renifle, le chameau, en se reconnaissant soi-même en cet homme, et il attend – l’homme, à genoux, les lèvres, le museau, la barbe qui se tend en avant, fait de même. Ils attendent – le ciel est encore étoilé. Puis doucement ils s’approchent, le museau de l’un est le visage de l’autre, leurs lèvres s’effleurent, s’attardent, les pointes de leurs langues se dressent en frémissant dans l’air, immense comme le désert est la langue du chameau, petite et pourtant identique celle de l’homme, et voilà… contact, délicatement elles forment un pont, comme s’il s’agissait d’un jeu, ou peut-être pour renouveler le pacte, l’alliance – avant que le soleil surgi à l’horizon n’enjambe la roche et ne ressuscite les dunes[1].
.