Robert Scarcia
Il n’est pas anodin que les deux premiers protagonistes de cette chronique soient Agora et ReMine. Ces deux documentaires, respectivement d’origine grecque et espagnole, traitent de thématiques sociales et sont tous deux inclus dans la section « Création Européenne ».
« Agora » de Yorgos Avgeropoulos est la chronique de la tragédie humaine et sociale qui secoue depuis plusieurs années la Grèce. Pour le dire plus brutalement : la chronique de l’assassinat politique et social de la patrie de la démocratie occidentale. Agora est une synthèse des années de souffrance du peuple grec. Il nous semble nécessaire de signaler l’existence et la force de ce documentaire puisque, dans cette heure et 54 minutes, il contient toutes les réponses pour ceux et celles qui, aujourd’hui, froncent encore les sourcils face à l’arrivée au pouvoir du parti Syriza.
ReMine, d’autre part, raconte l’histoire du « dernier mouvement ouvrier » d’Europe et rappelle la grève illimitée déclenchée il a quelques années par les mineurs d’Asturies et du nord du Léon dans l’Espagne septentrionale. Les mineurs ont perdu la bataille et les mines ont fermé sous les diktats de « l’Europe ». Mais les images de la révolte, les frondes chargées à l’explosif, la marche vers Madrid sous les applaudissements des gens, le courage des femmes, à côté de leurs maris, fiancés, frères, fils, oncles et cousins, enfermés dans les puits des mines en signe de protestation, les quatre martyrs…
Pas besoin d’avoir un cœur à gauche pour s’indigner face à ce qu’est devenue notre pauvre Europe, prostituée aux pouvoirs de la finance. Tout comme Agora, ReMine est important aujourd’hui. A l’image de la Grèce actuelle avec Syriza, on espère, avec Podemos, en Espagne où se jouent les dernières chances de réintroduire démocratiquement et sans violence, un fond de justice sociale dans un système politique et économique qui s’est vidé de son contenu démocratique pour ne conserver que ses formes. Il faut espérer que le Vieux Continent soit à la hauteur ; on ne pourra blâmer… les Américains.
Terminons cette chronique en revenant sur la section « Fiction » pour signaler le film qui a permis le prix FIPA d’or de la meilleure interprétation féminine à l’actrice colombienne Juana Acosta. « Sanctuaire » est une œuvre d’Olivier Masset-Depasse qui retourne sur les attentats du GAL (Groupe Antiterroriste de Libération) des années 80, contre les membres présumés d’ETA réfugiés dans le « sanctuaire » qui était à l’époque le Pays basque français. Le film a une vertu, même s’il faut remarquer qu’elle ne se trouve pas dans l’histoire en soi, où des affaires et personnalités se mélangent et la lecture politique finale laisse à désirer. La vertu est de souligner sans complaisance la complicité des services français dans ces opérations de barbouzes organisés et financés par des policiers espagnols. Il nous semble quand même important de saluer que grâce a « Sanctuaire » un public français hors Pays basque pourra enfin voir sur le petit écran la réalité des responsabilités hexagonales dans une « guerre sale » espagnole. D’autant plus que la tendance de se laver les mains de la problématique basque en tant que « problème de l’Espagne » est toujours forte en France. On le remarque hélas encore dans la timidité des responsables politiques français au moment où ils pourraient s’engager de manière plus sérieuse dans le processus de paix issu de l’abandon des armes de la part d‘ETA en 2011.
D’autre part, il y a un message inquiétant dans le film d’Olivier Masset-Depasse qui prend la forme d’une «voix off » à la fin du film : « le GAL a disparu quand le sanctuaire basque français » a été fermé aux militants d’ETA. En d’autres mots et brutalement dit : la guerre sale a payé pour ceux qui l’ont inventée, dirigée et financée… Historiquement c’est peut-être vrai, mais il faut cependant le dire haut et fort : le terrorisme d’Etat n’est pas la solution de quoique ce soit. A bon entendeur , salut.